Depuis plusieurs mois, les réseaux sociaux sont omniprésents dans la presse belge : tweet incendiaire d’une personnalité politique, message inconvenant d’un people sur facebook, publication d’une vidéo amateur qui « fait le buzz » le temps d’une journée…
La « révolution
du jasmin » a été largement relayée par les réseaux sociaux. Les
spécialistes de la communication et des sciences politiques leur attribuent une
part significative dans le succès de ces soulèvements populaires. Plus récemment,
la presse française a considéré l’échec de la candidate Royal aux élections
législatives françaises comme le résultat d’un unique tweet influent de la
première dame (pour rappel ou si vous étiez dans un pays lointain, cette
dernière a ainsi explicitement marqué sa préférence pour un candidat dissident).
Doit-on en
conclure que les réseaux sociaux sont tout-puissants et qu’il faut en
trembler ? certainement pas. Mais ces deux petits exemples issus de l’histoire
illustrent l’impact et la vitesse de la communication des réseaux
sociaux : toute personne (j’ai bien dit « toute personne » donc
n’importe qui, pas besoin d’être une première dame ou un people) peut diffuser
une information à l’échelle planétaire en quelques heures (si évidemment cette
information vaut la peine d’être relayée, je ne parle pas ici d’un « statut »
quelconque indiquant que vous n’avez pas bien digéré votre
choucroute-jambonneau de la veille)…
Par
ailleurs, diverses analyses montrent que ce n’est pas un effet de mode. Les
réseaux sociaux et, plus généralement, les outils du web 2.0 représentent LE
canal de communication de plus en plus privilégié. Cela est probablement
favorisé par l’explosion des ventes de smartphones, tablettes, etc., ainsi que
par l'intégration de nouveaux services dans les réseaux sociaux existants. Un
rapport de la société ComScore
(1) examinant l’utilisation des
réseaux sociaux entre 2007 et 2011 nous apprend même que ce n’est pas une
affaire de génération (battant en brèche la vision caricaturale des générations
X, Y, etc.) : 86% des « online +55 » (les personnes de plus de
55 ans ayant accès à internet) utilisent les réseaux sociaux (à une fréquence
moindre que leurs cadets, certes). Ce même rapport montre aussi le déclin de
l’e-mail au profit de la communication via réseaux sociaux.
Les deux
facettes des réseaux sociaux (diffusion immédiate ET massive) représentent des
enjeux évidents pour les organisations. Ces dernières doivent profiter au
maximum de la puissance des réseaux, ne serait-ce à la base que par vigilance
et pour réagir aux messages potentiellement nuisibles à l’image (ce qu’on
appelle l’e-réputation). Pour citer Jeffrey Preston Bezos (PDG
de Amazon.com) : « Dans le monde physique, si vous rendez vos clients mécontents, ils sont
susceptibles d'en parler chacun à six amis. Sur Internet, vos clients
mécontents peuvent en parler chacun à 6 000 amis » (2).
Malgré cela…
Au gré des rencontres, j’entends parfois autour de moi des personnes qui se
posent des questions :
Faut-il vraiment développer une
présence sur les réseaux sociaux ? Euuuh, ce n’est pas parce que vous n’y êtes pas que rien n’est
publié sur votre organisation… et si ce qui circule est négatif, ‘faudra pas se
plaindre si cela tourne mal, Jeff Bezos vous a prévenu !
Doit-on vraiment laisser les employés
accéder à facebook et twitter pendant les heures de travail ? Gloups ! Premièrement, vos
employés ont pour la plupart des smartphones donc ils peuvent le faire à votre
insu. Ensuite, s’ils veulent « tirer au flanc », ils trouveront
toujours une solution : ils joueront au Solitaire (ça existe
encore ?), ils liront le journal, ils traîneront davantage à la machine à
café. Doit-on pour autant interdire le journal ou retirer les machines à café
parce qu’un petit pourcentage triche avec le système ?
Certains
arrivent avec des arguments du type « je n’aime pas facebook… et puis ça
va disparaître » (évidemment que Facebook disparaîtra probablement à terme
mais… pour laisser la place à un nouveau réseau social, plus efficace et plus
intégratif en termes d’outils encore ! enfin, je l’espère), « j’y comprends
rien », « Twitter ça sert à rien », etc. etc. Mais oui, mais
oui, tout va très bien Madame la Marquise…
Développer une
approche intégrative dans l’entreprise
Bon, vous l’avez compris, je suis convaincu qu’il faut
permettre à chacun d’utiliser les réseaux sociaux dans toute l’organisation mais pas de façon sauvage. Je
propose de développer une approche intégrative :
· Le
premier pas : laisser aux employés
l’accès aux outils du web 2.0 (pas seulement les réseaux sociaux mais aussi
les blogs, outils de curation tels scoop.it, pearltrees, pinterest, etc.) pour
permettre aux collaborateurs de développer leurs connaissances, d’accéder à des
informations qui les intéressent professionnellement (ou pas) mais aussi
finalement, de contribuer à la veille sur ce qui se dit de l’organisation (en
prenant la précaution de leur rappeler qu’ils n’en sont pas les porte-parole…).
Cela implique de les accompagner, de leur montrer le potentiel de ces outils et
de leur donner des guidelines (j’ai dit « guidelines », pas « code
de conduite » !), à l’instar de la SummerSchool
2.0 réalisée au SPF (Service Public Fédéral) Sécurité Sociale en Belgique
en 2011 .
· Implanter
un réseau social d’entreprise (RSE)
permettant de mettre en relation tous les collaborateurs d’une organisation (et
spécialement lorsque l’organisation est importante et éclatée
géographiquement). Cela permet de partager les bonnes pratiques, communiquer
une information de façon cohérente et uniforme à travers toute l’organisation,
de dresser des liens avec des bases documentaires, de développer les
collaborations, la co-création, l’innovation, etc.
· Avoir
une présence continue, active et
cohérente sur les réseaux sociaux, avec une stratégie de communication, de
veille, de collecte d’informations, de consultation du public-cible… ce qu’on
appelle le « community management »
Pour
développer cette approche, il est impératif de dédier une fonction à cette
mission. On la retrouve généralement sous l’appellation « responsable
réseaux sociaux », « gestionnaire de communautés web »,
« social business manager », « community manager », etc. La
pierre angulaire de ces appellations est qu’elles renvoient toutes à la gestion
des relations sur le web, au même titre qu’un « attaché de presse »
traite les relations avec la presse, en étant dédié uniquement à ce medium.
Quant à la
place du « community manager » (appelons-le ainsi par facilité et
parce que c’est l’appellation la plus répandue) dans l’entreprise, le mieux est
sans doute de le positionner à un niveau transversal
dans l’organigramme. Il doit dresser des ponts et collaborer étroitement avec
le département commercial (front office), avec les services back office, avec
la communication, avec le marketing, avec le knowledge management, avec les
ressources humaines, avec l’ICT. Chaque entité précitée est un acteur qui va
contribuer à développer une stratégie efficace pour tirer le meilleur des
réseaux sociaux mais aussi se nourrir en retour d’informations cruciales :
· Les
services commerciaux et les back offices contribuent largement à
apporter des réponses personnalisées aux clients qui s’expriment sur les
réseaux sociaux.
· La
communication peut contribuer à
renforcer l’efficacité d’une information et ainsi inclure les réseaux sociaux
dans sa propre stratégie
· Le
marketing aide au développement de
KPI (indicateurs de performance) mais peut
aussi profiter des réseaux pour développer un nouveau mode de veille
concurrentielle, interroger le public, voire développer des activités de
« crowdsourcing » à travers lesquelles le public contribue à
l’élaboration des nouveaux produits (3)
· Le
knowledge management peut intégrer
les réseaux sociaux pour tirer le meilleur de ceux-ci dans une approche
collaborative et de circulation de la connaissance
· Les
ressources humaines peuvent déployer
une stratégie de recrutement en exploitant au mieux la puissance des réseaux
sociaux
En dressant
ces ponts avec tous les départements de l’organisation, le community manager pourra
ainsi assurer ses missions sur les réseaux sociaux : renforcer la présence et la crédibilité de l’organisation (en informant autrement,
personnalisant la communication, répondant rapidement, etc.), assurer la veille informationnelle (veille
concurrentielle et veille sur les informations publiées à propos de
l’organisation) et la veille technique
(nouveautés, évolutions et améliorations possibles)
Et vous, vous en
pensez quoi ? Quelle approche avez-vous développée par rapport aux réseaux
sociaux ? N’hésitez pas à commenter !
(2) “If you make customers unhappy in the physical world, they might
each tell 6 friends. If you make customers unhappy on the Internet, they can
each tell 6,000 friends »
(3) Par exemple, en
Belgique, à travers un concours, une célèbre marque de chips a demandé au
public de proposer de nouveaux goûts. Après sélection de plusieurs de ces goûts,
ils ont été produits et vendus temporairement pour permettre au public d’élire
leur goût favoris. Finalement, un seul de ces nouveaux goûts est aujourd’hui
produit en continu et son « inventeur » est reparti avec un cadeau
intéressant. Triple avantage : le coût (un cadeau), le temps (quelques semaines),
l’innovation (même avec un bon brainstorming, personne au sein de l’entreprise n’aurait
probablement eu cette idée de goût)
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